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Tuamotu, l’Océan à la « gratte ».

By novembre 19, 2019novembre 24th, 2019Eat

Le 16 mai, après 4 jours en mer, nous arrivons juste à temps pour traverser la passe de Garuae, porte d’entrée de l’atoll de Fakarava. Les atolls des Tuamotu qui parsèment l’Océan sur une étendu égale à l’Europe ne possèdent pas un seul phare. L’anneau corallien ne dépasse la mer que de quelques mètres. Les Tuamotu sont des îles d’eau, la richesse de ces atolls se trouve dans l’océan. Tantôt discret, tantôt omniprésent, le requin de récif est  l’hôte incontournable de cet environnement contaminé par l’Homme.

Dans cet archipel l’essentiel est fourni par l’Océan. 80% des captures de poisson aux Tuamotu proviennent des parcs à poissons, une ressource vivrière importante. C’est aussi une forme primitive de l’aquaculture, puisque le parc permet de conserver les prises vivantes. Héritier des parcs en pierre que nous avons pu observer sur l’île d’Oléron, l’exploitation de ces pièges se fait généralement à une échelle familiale, à l’échelle d’un Motu (d’une île). Malgré un déclin, cette pêche artisanale reste encore active pour une raison simple, sur certains motus il n’y a aucun moyen de conserver le poisson si ce n’est vivant.

Dans l’anse Amyot, devant le motu Matariua, se trouve la pêcherie de Gaston un Paumotu. Son parc à poisson est édifié sur le plateau corallien de 2, 3 mètre de fond. Orienté dans le courant, la porte se trouvant en aval, grillage de poulailler et poteaux tous les mètres. Un fonctionnement simple, un passage en V, dont les extrémités se rejoignent en entonnoir qui conduit par un étroit passage dans un bassin circulaire, le « tipua ». Une fois arrivée, Gaston plonge dans le tipua où sont stockés les poissons. Avec son harpon, son «patia», quand il ne doit pas chasser les requins pris dans le parc, il peut commencer à ramasser le poisson. Il doit faire le tri, certains sont contaminés, empoisonnés par une bactérie, la ciguatera.

Il s’agit d’une pathologie endémique propre aux mers coralliennes. Elle est très fréquente en Polynésie. Des poissons sont contaminés par un micro-organisme, « Gambierdiscus toxicus », vivant dans des algues proliférant sur les coraux morts…Les poissons sont les vecteurs de transmission de cette toxine, les premiers symptômes peuvent être immédiats. Dès notre arrivée en Polynésie, nous avons pris l’habitude de présenter notre chasse aux pêcheurs car selon les atolls les mêmes espèces ne peuvent être contaminées.

Agressés par les actions humaines, les coraux se meurent à une vitesse folle. L’activité touristique les piétine. Le Monde s’assoit dessus. La ciguatera, «la gratte» comme on dit ici est partout et prolifère…Elle arrivera sans doute un jour dans vos assiettes.

«Avec la gratte, je ne prends aucun risque dans mon restaurant. Je propose uniquement des poissons pélagiques (poissons de haute mer), Je travaille toujours avec les mêmes pêcheurs qui connaissent ma cuisine et me garantissent des bons produits. Les délicieux poissons du lagon c’est terminé» Dans l’archipel de la Société, à Tahaa, Le Chef François BRUNO se désole lui aussi de cette situation d’un cynisme péremptoire, où l’Homme s’évertue à détruire son propre environnement à s’en rendre malade.

Toutes ces agressions détruisent peu à peu notre dernier territoire sauvage. Nous raclons les fonds de tiroirs. Avons-nous oublié que l’Océan est un bien commun qui nourrit les Hommes ? L’Océan laisse peu de trace sur les belles plages de Tahiti, mais le crime est là, et Gaston fait le tri. Le progrès c’est un Océan plein de poisson pour tous. Car si aujourd’hui l’Océan n’est pas dans son assiette, demain les poissons ne seront plus dans la vôtre.

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