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La légende de Carthagène des Indes.

Le 7 février. Nous arrivons de nuit en Colombie, à Carthagène des Indes. La traversée de la baie, longue de 9 miles, est impressionnante. A l’ouest, les docks pétroliers, les raffineries illuminent la baie de leurs lumières et de leurs torches, l’odeur de pétrole est omniprésente. Au nord, la vieille ville, devant nous Bocagrande et ses nombreux gratte-ciels. Au centre, nous traversons le chenal très bien identifié par cet alignement de bouée rouge en bouée rouge qui clignote à intervalle régulier avec les bouées vertes.  Un immense pétrolier nous rattrape, klaxonne, Pierrot lui accorde l’espace nécessaire, et nous laissons filer ce colosse des mers.

La terre peu à peu se referme, nous décidons de jeter l’ancre au mouillage pour la nuit. Titan notre équipier depuis de la Guadeloupe est heureux d’en avoir fini avec cette nav’. Nous lui avons rien épargné ! Une houle bien formée projetait sur nous des déferlantes, emportant avec elles 2 parbattages, arrachant un pied du bimini et arrosant sur son passage copieusement Alexis, qui somnolait. Les éclats de rires ont suffi à le rassurer sur la gravité de la situation. Les 54 nœuds enregistrés au Cap de Vela un peu moins… « Le cap Horn des Caraïbes » tient toutes ses promesses ! Mais nous avancions vite, les miles défilaient et « dès » demain nous serions arrivés sur les terres de « Pablo « . « Les gars c’était une navigation cataclysmique, mais je tiens ma Trans’ Caraïbe ! Nous sommes en Colombie bordel ! », On y est Titan !

Pendant les 4 jours de navigation, la Colombie a proliféré dans nos imaginations. Pour l’exciter, des récits de nos prédécesseurs, de Francis Drake, et des histoires en tout genre que nous aimons raconter et singer. Notamment celle d’une certaine Judith : « La Puta de Judith Moncada ». Vous connaissez ? Titan venu avec la série Narcos, nous assomme avec humour des clichés sur les cartels. « Plata o plomo ? », notre imagination est trompeuse, à notre réveil Carthagène est une tout autre ville…

Vous connaissez David ? C’est un agent qui gère les formalités d’entrée et de sortie du territoire. C’est très simple : ni plus ni moins un petit racket de 110 dollars. Une petite claque sur le dos et en 45 minutes nous voilà en règle. Tout le monde s’en accommode, personne n’a le choix. « Plata » !  A nous Cartagena ! Nous quittons le Club Nautico de la bahia de Manga et traversons pour la première fois le pont de la Calle 25, qui nous sépare de la ville fortifiée.

Dans ses remparts, des façades colorées, des maisons à balcon de bois garnit de fleurs ou de drapeaux. Dans le quartier de Getsemani, des rues pavées qui ne se coupent jamais à angle droit, une galerie à ciel ouvert ou les statues en ferronneries côtoient les fresques récentes de Streets Arts. Nous avons adoré flâner dans ses ruelles, trouver un endroit ombragé pour fuir la chaleur étouffante, s’engouffrer dans des immenses portes cochères, découvrir des cours, patios, terrasses, souvent transformés en restaurants, bars ou boites de nuit….

Aux quatre coins d’une rue, nous sommes souvent sollicités, parfois nous avons l’impression qu’il y a plus de vendeur que d’acheteur. Avec eux nous apprenons à apprécier notre nouvel monnaie : le peso colombien. Depuis l’île de Bonaire, notre pouvoir d’achat a considérablement augmenté. Pour 2 euros, il est possible d’avoir un repas copieux, et complet. Ils pratiquent toutes sortes de commerce, vendent de tout : images religieuses, chapeaux, paniers, fruits, légumes, cigarettes, heladas (la glace du pauvre), billets de loto, mais aussi des adaptateurs de prises, des chargeurs, des selfies-sticks…Les touristes affluent, la demande change. Si Titan a résisté à l’envie de porter un t-shirt de Pablo Escobar, nous succombons volontiers pour un café, une mangue croquante qui se picore dans un gobelet en plastique, ou des arepas (galette de maïs).

Jour et nuit, toute la semaine, la ville est éveillé, transpire, chante, danse. Cette escale, laisse peu de trace dans nos livres de bord. Nous profitons de cette fièvre. La nuit tombée, la ville attire, une faune élégante venu des quatre coins du monde, avec laquelle on sait s’enivrer et nos amis de Fuga (Dario, Marie et Oï) avec qui c’est toujours un plaisir. Les marchands ambulants étanchent la soif des étudiants, qui font la fête sur la plaza Trinidad, applaudissent les artistes de rues comme Bamby ce sosie trop parfait de Mickael Jackson. Nous sommes bien au pays de Gabriel Garcia Marquez au pays extravagant, luxuriant, délirant de cent ans de solitude. Si nous sommes bien loin des clichés sur la Colombie, certains subsistent : les militaires shotgun en main qui contrôlent à tout va, la coke bon marché qui abonde les rues, les jeunes filles venu de Venezuela se donner à cette bourgeoisie, la classe populaire qui survit de l’autre côté des remparts, et nous des Gringos semble-t-il pour toujours.

Au-dessus de la ville, le fort San Felipe, la citadelle, ou les espagnols entreposaient l’or. Une construction à la piranèse, un enchevêtrement de glacis, redoutes, contres-escarpes, à peine creusé en son centre de galléries basses, à la taille des petits espagnols qui pouvaient y courir debout…Tandis que nous, les grands ennemis Français nous sommes obligés de jouer à une partie de cache-cache courbées. Des batteries de canons, nous pouvons admirer ce port stratégique, le plus important de la côte, théâtre de sinistre mémoire : les esclaves y entraient à mesure que l’or en sortait.

Vous connaissez Judith ? Non une autre ! Dans les années 1550, Francis Drake à 19 ans et travaille avec ses cousins négriers les Hawkins. Le commerce des esclaves est florissant et rapporte vraiment beaucoup d’argent aux contrebandiers dont leurs marchandises « échappent » à la taxation espagnole. Drake a presque fini d’écouler toute sa cargaison…brusquement la tempête se déchaine, empêchant de lever l’ancre, et comme par hasard voilà que se présente, la flota un convoi armé espagnol. Profitant de leur supériorité, ils attaquent les contrebandiers ! Drake manœuvre si bien sa Judith qu’il réussit à leur échapper, ce qui n’est malheureusement pas le cas de son cousin, John Kawkins. Les règles du combat veulent que deux bateaux collent l’un l’autre ou coulent ensemble. A son retour, en Angletterre on lui reprochera d’avoir fui, d’avoir abandonné son cousin. Mais Drake à maintenant les moyens financiers d’armer deux navires, le Pacha et le Swan et repart écrire sa légende en Amérique central, dans le golf Darien base arrière de ses nombreux succès.

Le 14 février, nous quittons Cartagena, direction l’archipel des San Blas, au fond du golf Darien entre la Colombie et le Panama, notre base arrière pour partir à la recherche des îles perdus. (Alain Hervé)

Sources :
Alain Bombard – Les Grands Navigateurs.
Alain Hervé – Au vent d’Aventure – A la recherche des îles perdus.

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